Marie Segal

Augustin est un petit garçon de six ans.  Il est très petit, très mince et ne fait pas son âge.  Il porte des lunettes vertes et a les cheveux châtains foncés extrêmement difficile à discipliner.
   

Augustin est très fier d’aller désormais à la grande école.  En effet, il vient de rentrer en première année primaire, à l’Institut de la Providence.  Tout va bien pour lui, il travaille bien.   Mais néanmoins une chose le tracasse depuis quelques temps.  La plupart de ses amis ont déjà perdu une ou même plusieurs dents de lait.  Son frère Grégoire, lui, a déjà perdu trois dents, pourtant il n’a que dix mois de plus que lui.  Mais lui, Augustin : rien !  Il n’a pas encore perdu la moindre petite quenotte.  Et pire : pas une seule ne commence même à balancer.

    C’est vrai qu’Augustin est le plus jeune élève de sa classe.  Le plus petit et le plus frêle aussi, mais tout de même!  L’année passée, lorsque sa première dent de lait a commencé à balancer, son frère Grégoire n’était pas beaucoup plus grand ni plus gros que lui!

    Augustin a interrogé ses parents à plusieurs reprises, mais ceux-ci lui ont répondu qu’il n’avait pas à s’inquiéter, que ses dents de lait finiraient bien par tomber comme celles de tous les enfants du monde. Seulement le petit garçon n’en n’est pas totalement convaincu.  Alors, il essaie de les faire balancer lui-même, avec ses doigts, mais sans grand succès.

    Pour l’instant, Augustin est assis sur un banc dans la cour de récréation des petits.  Son amie Cassandra s’approche de lui en riant.     

    - Tu es encore en train d’essayer de faire tomber tes dents?  Lui demande-t-elle, amusée.

    Augustin la regarde avec envie.  La petite fille a un an de plus que lui et a pourtant déjà perdu toutes ses dents de devant. 

    - Comment as-tu fais pour les perdre toi?  Interroge-t’il, curieux.

    Cassandra ne sait pas au juste.  Comment a t’elle fait pour les perdre?  La petite fille ne s’en rappelle plus.  Tout ce qu’elle sait c’est qu’elle les a perdues, et que, contrairement à Augustin, cela ne lui fait pas plaisir du tout.  Elle se sent au contraire totalement défigurée et bien mal dans sa peau.  La fillette ne comprend pas pour quelle raison son ami est aussi pressé d’avoir ce que son frère aîné, Socrate, appelle une bouche de vampire.

    Cassandra a envie d’expliquer à Augustin qu’il ne doit pas être pressé de perdre ses dents.  Qu’il est tout mignon ainsi, avec ses jolies petites dents toutes blanches, qui ressemblent à des petites perles.  Avec son sourire craquant qui lui creuse une adorable petite fossette dans la joue gauche…

    Seulement elle n’a pas envie que l’on se moque une nouvelle fois d’elle.

    Le jour de la rentrée en effet, heureuse de retrouver Augustin qui lui avait terriblement manqué durant les grandes vacances, Cassandra lui avait offert une jolie bague en or.  Augustin avait eu son adorable sourire qui la faisait fondre.  Tout fier, il avait été montrer la bague à son frère Grégoire qui, lui, avait immédiatement mis les pieds dans le plat!

- Cassandra est amoureuse d’Augustin!  Cassandra est amoureuse d’Augustin!  Regardez les gars!  Elle lui a offert une bague pour leurs fiançailles…  Durant toute cette après-midi là, la petite fille et Augustin avaient été victimes de quolibets et de railleries de la part de Grégoire et de ses amis.

    Mais ce n’était pas tout!  Grégoire avait également été raconter la chose à son frère aîné Nicolas.  Et, comble de malchance, Nicolas était le meilleur ami de Socrate, le grand frère de Cassandra, ce qui fait que ce dernier avait rapidement été mis au courant.    Finalement, en moins de temps qu’il n’avait fallu pour l’écrire, pratiquement toute l’école et ses parents avaient été mis au courant et Cassandra avait cru mourir de honte…

    A partir de maintenant, elle ferait plus attention.  Aussi se contente-t-elle de répondre à Augustin qu’il ne doit pas s’en faire, que sa première dent finirait bien par tomber au moment où il s’y attendrait le moins.